Folkloriques, les confréries (du gâteau basque, du tourteau, de la tourtière…) ?

La confrérie du tourteau défile dans les rues de Mirande chaque année, le lundi de Pâques.

Des centaines de confréries existent en France, notamment autour de produits boulangers et pâtissiers, s’appuyant sur le folklore et les événements pour défendre un produit local. Certaines disparaissent. Alors, les confréries sont-elles has been ?

« Les confréries ne sont absolument pas dépassées ! » s’exclame Didier Irastorza, pâtissier retraité et cofondateur de la Confrérie du gâteau basque. Cette association, créée il y a quinze ans, organise la fête de ce mets traditionnel tous les premiers week-ends d’octobre, à Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques). Son “grand maître”, Marcel Noblia, l’assure : « L’événement fait venir quinze à vingt mille personnes chaque année. Tout le monde se retrouve et on fait vivre cette tradition », se félicite-t-il.

Car « ce type de groupe sert avant tout à défendre un produit traditionnel et un savoir-faire », souligne Stéphanie Boissy, la présidente de la Confrérie de la tourtière, à Penne-d’Agenais (Lot-et-Garonne). Le gâteau basque, selon ses défenseurs, doit ainsi être fabriqué uniquement avec du lait, du beurre et de la farine produits dans la région. « Et nous n’acceptons pas les gâteaux au chocolat, par exemple, reprend Marcel Noblia. Seulement ceux à la crème et à la cerise. »

Cela dit, « les boulangers du coin ont tous leur recette, leur petit truc en plus », sourit Jean Mendez, boulanger-pâtissier et créateur de la Confrérie du tourteau (une sorte de brioche à base de pâte à pain), à Mirande, dans le Gers. Autant de particularités qui amènent, chaque lundi de Pâques, à organiser le concours du meilleur Tourteau à l’occasion de la fête de ce gâteau local. « Il y a aussi un défilé de nos membres dans les rues de la ville, témoigne Jean Mendez. Ça permet d’animer et de continuer à faire vivre le produit. » Car c’est bien là l’enjeu : à travers différents rendez-vous, donner une visibilité à une richesse locale.

Des stars comme ambassadeurs

Alors les confréries proposent des concours — à destination des professionnels certes, mais parfois également des apprentis et/ou des amateurs —, organisent des défilés, invitent d’autres confréries lors de leurs fêtes, intronisent de nouveaux membres. Soulignons ici que les adhérents de ces associations sont des professionnels mais aussi des défenseurs du terroir. « Les personnes que l’on intronise, ce sont des personnalités connues ou non qui s’engagent à consommer et à faire connaître le gâteau basque, détaille Marcel Noblia. Et ça marche ! Par exemple, on a intronisé Bixente Lizarazu et, de temps en temps, il cite le gâteau basque lors de ses commentaires à la télé ! » L’an dernier, c’est le rugbyman Camille Lopez qui a été accueilli dans cette grande famille…

Il faut dire que la présence de stars permet d’animer la fête du gâteau basque… et d’attirer le chaland. Car, bien sûr, ces festivités sont bonnes pour le commerce. « Le tourteau se mange autour de Pâques et la tradition est bien en place, met en avant Jean Mendez. Donc sur deux semaines, on en vend environ trois cents kilos, rien que dans ma boulangerie. » « Les pâtissiers vendent énormément lors de cette manifestation », étaye le cofondateur de la Confrérie du gâteau basque, Didier Irastorza.

Mais les confréries voyagent aussi à travers la France et l’Europe, répondant à l’invitation de leurs homologues. « Ça permet de faire connaître le gâteau basque, même si c’est sûr qu’il est difficile d’en mesurer les retombées », admet Didier Irastorza

Une longue histoire… trop lointaine ?

Reste que ces regroupements peuvent paraître folkloriques, voire désuets. Il faut dire que ces associations ne datent pas d’hier : les premières sont nées… dans l’Empire romain, elles rassemblaient les personnes d’une même profession. La tradition s’est perpétuée, notamment autour de la viticulture, avec une connotation religieuse dès le XIIe siècle. Elles disparaissent ensuite, interdites au moment de la Révolution française. « À partir des années 1950, les confréries connaissent un regain d’intérêt dû au développement du tourisme, à la volonté de mettre les terroirs français en valeur et de défendre une tradition française sur le plan culinaire et agricole », indique Anne Parizot, professeure en Sciences de l’information et de la communication à l’université de Franche-Comté*.

De cette longue histoire sont restés des habits traditionnels, des défilés, des messes… La professeure ajoute : « Rites et rituels usent d’un vocabulaire traditionnel désignant les dignitaires : grand maître, chancelier, argentier, échanson, trouvère, écrivassier… Le parrainage par un membre est de coutume. Les intronisations se déroulent lors de rituels publics — nommés chapitres — ressemblant aux cérémonies chevaleresques. La prestation de serment, solennelle, engage le récipiendaire et sacralise ce cérémonial. »

Voilà qui peut attirer l’attention, certes… mais qui est susceptible aussi d’agir comme un repoussoir. La preuve : certaines se mettent en sommeil, faute de bénévoles, à l’image de celle de la tourtière. « Les gens aiment faire la fête mais ne se mobilisent pas », regrette sa présidente Stéphanie Boissy.

« C’est vrai aussi qu’avec les confréries on ne va pas rassembler des jeunes, concède le cofondateur de la Confrérie du gâteau basque Didier Irastorza. Parfois, on a un peu l’impression d’être au club du troisième âge. Mais ça peut intéresser des gens de 50-60 ans, ou des jeunes retraités des métiers de bouche, des épicuriens qui ont un peu de temps et d’argent pour se déplacer. » Si les échanges lors d’invitations par d’autres confréries partout en France peuvent être agréables, « il faut compter cinquante à soixante euros par jour, mesure à vue de nez le Basque. Les confréries les plus riches participent à ces frais, mais pas toutes. » Lui en est toutefois certain : « Si l’on a un produit de qualité, la confrérie est un moyen de communication, qui ne coûte pas cher. » Ce d’autant plus, que « nos associations font aussi le lien avec les médias. Donc il peut vraiment y avoir des retombées intéressantes… »

* Parizot A. Quel est le rôle des confréries gastronomiques ? The Conversation 2024.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement